Psychologue – Mme Delphine Gilman
📍 Adresse : Rue Sous les Roches 86, 4130 Esneux
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La solitude décisionnelle est un phénomène subtil qui touche de nombreux entrepreneurs, cadres, dirigeants et managers. Rares sont les professionnels œuvrant dans un poste à haute responsabilité qui ne s’y reconnaissent pas, au détour d’une période intense, d’une crise, ou simplement lors des choix cruciaux inhérents à leur fonction. Pourtant, malgré sa prévalence et son impact majeur sur l’équilibre psychologique, la solitude liée à la prise de décision reste sous-estimée, souvent taboue. Beaucoup la vivent dans l’ombre, alors qu’elle façonne significativement le bien-être, la motivation et la performance professionnelle au quotidien.
Ce sentiment d’isolement, souvent ressenti au sommet de la hiérarchie, ne se résume pas à une absence de soutien social ou de liens humains. Il s’agit avant tout d’un état émotionnel dans lequel la responsabilité de prendre des décisions lourdes pèse principalement sur une seule personne, qui ne peut compter que sur elle-même pour en assumer les conséquences, positives ou négatives. Cette expérience singulière du pouvoir provoque des luttes internes, suscite du doute, peut alimenter une anxiété chronique et, à force, miner la santé mentale.
La littérature scientifique abonde sur la santé mentale au travail et les causes de stress professionnel. Cependant, la notion de solitude dans la prise de décision commence seulement à être analysée en profondeur. Les émotions qui l’accompagnent — pression, peur de l’erreur, méfiance, surcharge cognitive — affectent tout particulièrement celles et ceux qui pilotent quotidiennement des équipes, portent la stratégie ou incarnent la culture d’entreprise. Les dirigeants font ainsi face à un paradoxe : ils bénéficient d’une autorité, parfois d’un pouvoir d’influence envié, mais se retrouvent en même temps isolés dans l’exercice de leurs responsabilités les plus graves.
Selon la recherche menée par Kets de Vries et Miller (The Neurotic Organization, 1984), la position hiérarchique entraîne un risque accru d’isolement émotionnel. Plusieurs écueils typiques jalonnent ce sentier :
L’un des mythes persistants dans le monde du management est que leadership rime avec force et certitude. Cette croyance alimente un cercle vicieux où l’apparente robustesse masque des angoisses très réelles, et où l’on se prive des mécanismes essentiels de la gestion émotionnelle.
La solitude professionnelle chez les décideurs se manifeste à travers de multiples symptômes, plus ou moins visibles :
Progressivement, cette solitude peut devenir toxique. Selon une étude de Rosenthal et Pittinsky (2006), l’isolement émotionnel du leader est associé à un risque accru de burnout, d'addictions et même de comportements de fuite (absentéisme, désengagement).
Qu’est-ce qui augmente la probabilité de souffrir d’une solitude décisionnelle marquée ? Certains profils de personnalité, situations professionnelles ou étapes-clés de la vie de l’organisation favorisent cet écueil psychologique :
Certains facteurs psychologiques — perfectionnisme, tendance à l’hyper-contrôle, difficultés à déléguer — amplifient encore le sentiment d’isolement. Le dirigeant internalise le slogan implicite : « Si je ne décide pas, personne d’autre ne le fera à ma place ».
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À son paroxysme, la solitude décisionnelle n’est pas seulement une difficulté professionnelle passagère. Elle s’ancre dans la psychologie profonde du leader et peut nourrir un sentiment chronique de stress, voire contribuer à la perte de sens ou de motivation. Certains éprouvent un état proche de la lassitude existentielle, quand chaque décision semble engager leur identité, leur réputation, parfois même leur survie sociale ou l’avenir de leur entreprise.
Prendre une décision complexe, c’est souvent faire des choix à impact fort, arbitrer entre loyautés contradictoires, sacrifier des projets ou des relations. Cette responsabilité crée une tension interne : « Suis-je capable de décider pour le bien de tous ? », « Et si je me trompais ? ». L’anxiété anticipatoire envahit alors l’esprit, générant stress aigu, insomnie, hyper-vigilance. À force de devoir porter seul ce fardeau, le dirigeant craint d’être jugé, de perdre la confiance de ses équipes ou de ses partenaires, de trahir ses propres valeurs ou de décevoir.
Parce qu’ils se savent « solitaires » dans la prise de décision, beaucoup de leaders finissent par inhiber leurs doutes, limitent leurs moments d’introspection, ou bâtissent des stratégies de suradaptation (négligence de leur vie personnelle, dissimulation de leur stress, posture faussement détachée). Cette tension, souvent invisible, les expose à un risque élevé de surchauffe mentale ou de burn-out.
La solitude décisionnelle perce souvent la frontière entre vie professionnelle et sphère privée. Beaucoup rapportent la difficulté à retrouver du soutien réel chez leurs proches, par manque de compréhension spécifique du contexte ou de la nature des enjeux. Parfois, cette solitude conduit à une impression de séparation intérieure : il existe le « moi public », leader, et le « moi privé », plus vulnérable, moins reconnu, parfois incompris.
Il existe encore un malentendu tenace autour de la place du partage dans la décision. La psychologie du travail contemporaine valorise depuis plusieurs années la collaboration, la co-création et la transparence. Pourtant, dès qu’une décision cruciale, innovante ou risquée est à prendre, c’est au dirigeant que revient souvent le dernier mot. Ce constat, parfois nécessaire pour la rapidité d’action ou le respect de la hiérarchie, peut paradoxalement renforcer le sentiment d’isolement.
Développer un leadership collaboratif peut permettre de réduire cette charge psychique :
Mais attention : l’ouverture ne dissout pas totalement la solitude décisionnelle. Au bout du compte, la responsabilité ultime de trancher incombe souvent au leader. C’est la manière de s’y préparer, de s’y confronter et de l’assumer émotionnellement qui fait la différence.
De plus en plus, les psychologues spécialisés en travail et organisations recommandent la création de « safe spaces » (espaces sécurisés) où managers et dirigeants peuvent déposer leurs doutes, explorer leurs émotions, partager en toute confidentialité leurs plus grandes angoisses. Il s’agit d’espaces de réflexion, de supervision, de coaching individuel ou de groupes de pairs, conçus pour briser l’isolement sans nuire au rôle d’autorité du leader.
Psychologue du travail, coach spécialisé, groupe de dirigeants : ces interlocuteurs peuvent jouer un rôle crucial dans le processus décisionnel. L’échange sécurisé permet de relativiser la pression, d’explorer les alternatives, et d'aboutir à des décisions moins chargées émotionnellement.
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Le but n’est pas de supprimer la solitude inhérente au leadership, impossible en soi, mais de la transformer en ressource, de la rendre supportable, voire stimulante à certains moments. Voici quelques pistes, issues de la clinique et de la recherche en psychologie du travail :
Le premier pas est toujours d’accepter que la solitude décisionnelle fait partie du « package » du poste à responsabilité. L’ignorer ou la camoufler accentue son pouvoir nocif. Oser en parler, entre pairs ou auprès d'un professionnel, permet de la mettre à distance et de sortir du cercle vicieux de l’auto-censure.
Entretenir un cercle de confiance composé de pairs, de mentors, de coachs, en dehors de sa propre structure, est une ressource inestimable. Ces interlocuteurs « hors du système » permettent d’avoir un retour neutre et empathique, sans enjeux de pouvoir ou de réputation interne.
Les dirigeants les plus résilients sont ceux qui s’autorisent un temps « hors performance », pour explorer leurs doutes, questionner leurs motivations, et affuter leur capacité à réguler le stress. Méditation, mindfulness, supervision, ou écriture réflexive : toutes ces pratiques ont fait la preuve de leur efficacité dans la littérature scientifique (Hülsheger UR, et al., 2018).
Créer un climat organisationnel où il soit possible de faire remonter les difficultés, d'exprimer ses réserves sur un projet ou sur une décision, même en tant que leader, humanise la fonction et invite les équipes à s’engager, à collaborer. Le dirigeant y gagne de la clarté et un partage de la charge décisionnelle, même si l’ultime responsabilité reste la sienne.
Être attentif aux signes de surcharge (anxiété, troubles du sommeil, irritabilité, perte de plaisir au travail…) et accepter que la consultation chez un psychologue du travail soit un investissement dans la longévité et la performance. Il ne s’agit pas d’une faiblesse, mais d’un acte de lucidité et de prévention.
Déléguer n’est pas fuir : c’est se recentrer sur la vision stratégique et le cœur de métier du leader. C'est aussi faire confiance à l’intelligence collective, réduire la fatigue décisionnelle et sortir du piège de l’hyper-contrôle solitaire.
Pour illustrer l’impact réel de la solitude décisionnelle, penchons-nous sur trois situations inspirées du terrain :
Paul, créateur d’une start-up en transition vers une PME, doit arbitrer entre lever des fonds (et donc diluer son capital) ou risquer la trésorerie sur trois nouveaux projets de développement. Aucun de ses associés n’a la même vision à long terme. La peur de trahir sa « mission » originelle, de prendre la mauvaise décision, et d’être jugé - par l’équipe ou les investisseurs - s’ajoute au quotidien. Progressivement, il se replie, réduit son cercle de confidentialité, développe des troubles du sommeil et se coupe émotionnellement de sa propre équipe dirigeante.
Claire, manager intermédiaire, doit annoncer une série de réorganisations fonctionnelles. Elle n’a pas choisi ce plan, mais doit l’incarner auprès de ses collaborateurs. Face aux réactions de défiance, de colère ou de tristesse, personne ne l’écoute réellement sur sa propre position. L’impression d’être « le fusible », la solitude d’incarner une décision peu consensuelle, conduisent à une forme de retrait émotionnel, puis à une forme de burn-out « blanc », invisible, fait d’engourdissement et de perte de sens.
Marc, PDG d’une entreprise familiale confrontée à une cyberattaque, doit faire des choix rapides et critiques (arrêt de production temporaire ? communication de crise ? protection juridique ?). Les enjeux financiers et d’image sont lourds. Malgré un entourage compétent, il ressent que la responsabilité ultime et les conséquences péseront d’abord sur lui. Ses nuits deviennent agitées, les doutes affluent, la charge mentale s’amplifie, la fatigue s’accumule.
Dans tous ces cas, la souffrance liée à la solitude de la décision n’est pas un manque de compétence, mais un effet secondaire du pouvoir concentré.
L’étude menée par Fernet, et al. (2016) met en évidence un lien direct entre la charge décisionnelle élevée et les risques de détresse psychologique chez les cadres et dirigeants (Fernet et al., 2016), l’un des principaux facteurs prédictifs du burn-out. Plus la responsabilité est perçue comme « solitaire », plus la vulnérabilité s’accroît.
D’autres recherches, comme celle de Rosenthal et Pittinsky (2006), soulignent la nécessité d’un « espace de parole sécurisé » pour les leaders, afin de prévenir les dérives liées à cet isolement. On recommande la mise en place de politiques de soutien psychologique pour les dirigeants, ainsi que des temps de supervision réguliers.
Ces dispositifs sont déjà populaires dans les pays nordiques (Norvège, Suède), où le mentorat entre pairs est reconnu comme un pilier du développement des compétences émotionnelles et de la prévention des troubles psychosociaux.
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Solliceitée en cabinet, cette forme de souffrance invisible est aujourd’hui de mieux en mieux comprise. Une consultation psychologique spécialisée permet :
Un psychologue du travail pourra également identifier les schémas de pensée contraignants (« Je dois tout porter seul », « Je ne peux montrer aucune faille ») et proposer des outils pour promouvoir un leadership moins isolé, plus authentique et durable.
La solitude décisionnelle n’est ni inéluctable, ni honteuse. Elle fait corps avec le poste de dirigeant, mais elle peut être apprivoisée, travaillée, transmutée en force. Prendre conscience de sa réalité, accepter de l’exprimer, s’entourer judicieusement et développer son intelligence émotionnelle sont les clés pour faire de cette solitude non pas une tare, mais un moteur possible d’évolution personnelle et collective.
Si vous vous sentez concerné(e) par la solitude du dirigeant ou du manager, n’hésitez pas à solliciter l’expertise d’un professionnel formé à la psychologie du travail. Il n’est jamais trop tard pour changer de perspective, renforcer vos ressources et retrouver du sens, de l’énergie et du plaisir dans la décision.
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Kets de Vries MF, Miller D. (1984). The Neurotic Organization: Diagnosing and Changing Counterproductive Styles of Management.
Rosenthal, SA, Pittinsky, TL. (2006). Narcissistic Leadership. The Leadership Quarterly, 17(6), 617-633.
Fernet, C., Trépanier, S.-G., Austin, S., Gagné, M., & Forest, J. (2016). Transformational Leadership and Burnout: A Meta-Analysis and Explanation Mechanism. Work & Stress, 30(1), 1-25.
Hülsheger UR, et al. (2018). Benefits of Mindfulness at Work: The Role of Mindfulness in Emotion Regulation, Emotional Exhaustion, and Job Satisfaction. Journal of Applied Psychology, 103(10), 1239–1249.